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Alain Montesse

LES SITUS HEUREUX

Alain Montesse, 1970-1978
durée: environ 52'
original 16mm inversible NB double-bande;
1 copie 16 mm son magnétique piste couchée (COMMAG) ou double-bande (SEPMAG)


"Un film de mecs, plein de matière grise
et d'images de la même couleur
"

 

Le tournage s'étendit de début 1970 à début 1978, c'est à dire tout au long du processus de décomposition qui pendant les années 70 réduisit pratiquement à néant les milieux "radicaux" post-soixante-huitards. Le film, dont le montage débuta en 1971 et se termina au printemps 1978, s'est auto-organisé et complexifié au fil des années, au fur et à mesure que de nouveaux éléments venaient s'y incorporer. La structure a changé plusieurs fois, même si un ordre chronologique demeure en gros perceptible. Il a été bouclé en 1978 tout simplement parce que ça commençait à s'accumuler sérieusement, qu'un équilibre temporaire était atteint, et que relancer le processus aurait renvoyé l'achèvement à nouveau à une date indéterminée.

Au début, il était conçu comme devant être un film gris, sale et méchant (mieux vaut sec que jamais). Au final, il en résulte un film gris à peu près de bout en bout (le refus de la couleur est bien sûr délibéré), mais qui a parfois pu inciter à l'optimisme. Une partie des images provient des stages de réalisation de la période 1970-1972, d'autres ont été tournées au cours du temps, d'autres ont été récupérées ici ou là. De toute façon, la quasi-totalité des images est emmenée par le montage très loin de leur situation d'origine. Il en va de même pour les sons, dont le montage est nettement plus complexe qu'usuellement.

Il n'y a évidemment rien de spécifiquement situationniste dans ce film, sinon sa méthode. On peut donc dire, selon la terminologie orthodoxe, qu'il s'agit typiquement d'un produit anti-situationniste (cf. I.S. #7, avril 1962, pp.27-28, décision prise à la Vème conférence de Göteborg, 28-30 août 1961). Quant à la méthode, il s'agit évidemment du détournement, avec sa dévalorisation d'éléments antérieurs, et leur dépassement dans une construction d'ordre supérieur. Avec cette nuance qu'il s'agit là d'auto-détournement, et que la dévalorisation était incorporée dès l'origine ("Les chutes, on les tourne nous-même", Annick, 1971 ou 72).

Tout cela fait que le système du film est allusif de bout en bout. Si l'on se réfère à l'article de Roland Barthes sur Zazie Dans Le Métro, et à ce qu'il y dit du système allusif, on comprendra que le but d'une telle oeuvre est peut-être de "ruiner d'avance tout dialogue à son sujet". Le nom même de Roland Barthes est d'ailleurs cité dans le film, mais dissimulé (en fait, passé à l'envers), afin d'éviter toute mésinterprétation. D'autres célébrités sont cachées dans le paysage. Bien sûr, il ne s'agit ici de ruiner que de faux dialogues.

Ca débute rapidement sur le projet de réalisation de l'art en 69-70, après une bonne demi-heure, on est à Prague en 74 dans le silence le plus complet, et après, ça n'arrive plus à redémarrer. La césure principale entre les deux parties, après Prague et « la chaise hochante qui saluait adieu » (celle-là même dont parle Jarry dans Faustroll, livre III, chapitre XIX, à propos de l'enterrement de Mallarmé), est fort classiquement située à la section d'or. Les principales langues employées sont le français et l'anglo-américain, mais il y a aussi quelques bribes d'allemand, de russe et de langue de bois. Arrêtés sur la route de Prague par ce qui semblait bien être des travaux et un panneau de déviation, nous cherchâmes dans les dictionnaires de tchèque que nous avions pris la précaution d'emporter si c'était bien cela : nous trouvâmes « déviation de droite », « critique de la déviation de droite », mais rien en ce qui concerne les déviations routières.

 


Pour plus amples détails, cf. http://alain.montesse.free.fr/films/lsh.htm